Top Media Plus a échangé avec le Professeur Jean de Dieu MINENGU, Rédacteur en Chef de la Revue Africaine d'Environnement et d'Agriculture (www.rafea-congo.com), Directeur de l'Institut Africain de Recherche sur le Développement Durable (www.inadd-rdc.org) et Expert sur les questions de développement durable.

Sans la paix, il n'y a pas de développement, que faire pour ramener la paix dans l'Est de la RDC ?

Pour parvenir à une paix durable dans le Kivu, il faut s'attaquer aux causes profondes du conflit : pauvreté, enclavement de la région, appartenance du Kivu au bloc économique des pays de l'Afrique de lEst, conflits communautaires, croissance démographique, accessibilité à la terre et aux ressources naturelles stratégiques, velléités territoriales des Etats voisins, diplomatie régionale et occidentale, politiques publiques internes de la RDC, etc.

Il est très difficile ici d'aborder toutes ces causes de conflit dans la partie orientale de la RDC, mais je voudrais tout simplement parler de l'une des causes à savoir : l'intégration du Kivu dans le bloc économique de la RDC.

En effet, avant le découpage administratif de 1986, le Kivu (Nord-Kivu, Sud-Kivu et Maniema) était une seule et même province de la RDC, avec ses sols volcaniques et son climat favorable à la production agricole, sans oublier sa biodiversité exceptionnelle. Aujourdhui, cette vaste région riche en ressources naturelles se trouve confrontée à beaucoup de défis liés à la sécurité et à l'intégration économique nationale. L'accès à la terre (densité élevée habitants/km2) et aux autres ressources stratégiques (minerais) constitue l'épicentre des conflits parfois sanglants dans cette partie du pays.

Quelle est la situation actuelle en terme d'échanges économiques entre le Kivu et les autres provinces du pays ?

Comme d'autres provinces de la RDC, le Kivu reste un îlot aussi isolé des autres entités territoriales du nord, du sud, du centre et de l'ouest de la RDC suite au délabrement des voies de communication : routes, chemins de fer, voies d'eau navigables, etc. Ceci a entraîné la réduction significative des volumes d'échanges commerciaux entre le Kivu et les autres provinces du pays. La seule option sur le plan économique pour le Kivu est de s'orienter vers les pays situés à la frontière (Ouganda, Rwanda, Burundi, etc.). Ainsi, le Kivu se trouve au centre d'intérêts des jeux d'acteurs, l'appartenance politique et administrative à la RDC et son intégration dans le bloc économique d'Afrique orientale suite à la mauvaise intégration de cette région dans le circuit économique national.

Les richesses minières, les potentialités agricoles et environnementales du Kivu font de cet espace la région la plus riche d'Afrique, qui devrait logiquement, avec des politiques publiques cohérentes, être la locomotive du développement socioéconomique durable de la République Démocratique du Congo.

Que faire concrètement ?

La construction des infrastructures (routes et chemins de fer), l'aménagement et l'entretien des voies d'eau navigables en vue d'assurer l'intégration économique des provinces de la RDC, constitue la voie de la stabilité et du progrès pour les populations congolaises.

En effet, dans l'architecture gouvernementale de la RDC, il y a le Ministère de l'intégration régionale dont la mission est de faire participer le pays à l'intégration économique africaine. Mais, la participation efficace et efficiente de la République Démocratique du Congo à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ne peut être effective que lorsque la RDC, entant qu'Etat, est caractérisée par une intégration économique nationale. Lorsque la banane produite à Goma ne peut être vendue facilement à Kisangani, Mbandaka, Kinshasa, Lubumbashi, Kananga, etc., l'intégration de la RDC à la Zone de libre-échange continentale africaine ne sera qu'une utopie. Avec le développement tant souhaité par les Etats africains, si la RDC n'amorce pas l'élan de construction et de modernisation de ses voies de communication et de son système de production de biens, le risque de voir les Etats voisins venir construire les routes et chemins de fer en RDC reste grand.

Votre dernier mot ?

L'intégration du Kivu dans le bloc économique national permettra de régler la question de l'approvisionnement alimentaire dans les grands centres urbains de la RDC, de l'exode rural, du décollage économique du pays et de la stabilité de cette région confrontée aux conflits perpétuels. Il est difficile d'assurer la sécurité des exploitations agricoles, des ressources naturelles et des populations dans une région enclavée, dépourvue de voies de communication viables. Le Kivu, au-delà de son appartenance politique et administrative à la RDC, doit impérativement être intégré dans le circuit économique national.

Par Top Media Plus